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Précompte professionnel, usufruit en société et recettes caisses dans le viseur du fisc

En plus des habituels contrôles sur les droits d’auteur, revenus immobiliers, etc., l’administration fiscale cible particulièrement les indépendants.

Depuis quelques années déjà, l’administration fiscale n’annonce plus les grands axes des contrôles fiscaux qu’elle mène auprès de certains contribuables. La récurrence des cibles permet toutefois de déceler les revenus et contribuables en ligne de mire, mais pas pour autant d’échapper au contrôle. De fait, ils portent en général sur les revenus et opérations de deux ou trois exercices précédents, il est donc impossible de modifier ces déclarations fiscales.

Voici les principales cibles du fisc constatées sur le terrain par les experts-comptables, avocats fiscalistes et conseillers fiscaux.

« Le fisc veille donc à ce que l’usufruit ne soit pas surévalué. »

1. Usufruit d’un immeuble en société

Outre la déduction de frais réels professionnels (voiture de société, cadeaux d’affaires, voyages professionnels, frais de restaurants…), souvent surveillés de près par l’administration fiscale, la déduction des frais d’un immeuble détenu par une société fait de plus en plus souvent l’objet de contrôles, en particulier si l’immeuble est en partie dédié à l’exercice d’une profession, et en partie à l’habitation privée. C’est le cas, par exemple, des kinésithérapeutes, des ostéopathes ou encore des médecins.

« Dans ce cas, une partie du bien est acquise en usufruit par la société du professionnel. Cette société peut déduire toutes les charges et amortir le bien en usufruit durant vingt ans. Le fisc veille donc à ce que l’usufruit ne soit pas surévalué. S’il estime que tel est le cas, cela signifie que le nu-propriétaire aurait dû payer un montant plus élevé de charges et qu’il a donc reçu un avantage. Le fisc requalifie alors le surplus en revenu de dirigeant d’entreprise avec un avantage de toute nature (ATN) », explique Pierre-François Coppens, conseil fiscal de l’ITAA (Institute of Tax Advisers and Accoutants).

 

« L’administration fait comme si l’impôt n’avait plus de sens. »

2. Précompte professionnel

Les avocats fiscalistes Thierry Litannie et Sabrina Scarnà ont constaté, fin de l’année dernière, une vague de rectifications du précompte professionnel des rémunérations versées par les sociétés à leur(s) dirigeant(s). « L’administration a enrôlé toutes les sociétés qui n’auraient pas retenu assez de précompte professionnel, ce qui n’a pas beaucoup d’intérêt », pointe Me Scarnà. En effet, dans ce cas, le solde est payé par le redevable lorsqu’il reçoit son avertissement-extrait de rôle, autrement dit à l’impôt des personnes physque (IPP), « ce qui clôt en principe le problème« , selon Sabrina Scarnà.

Mais le fisc considère qu’en s’abstenant de payer le montant correct au Trésor, la société a versé un salaire plus élevé au dirigeant. Par exemple, si 5.000 euros de précompte professionnel n’ont pas été versés au Trésor, l’administration considère ces 5.000 euros comme des revenus. Elle recalcule donc l’IPP du dirigeant sur base de ce salaire plus élevé.

« L’administration fait comme si l’impôt n’avait plus de sens et dresse un mur entre précompte professionnel et IPP », prévient Sabrina Scarnà, qui s’attend à ce que cette vague de rectifications se poursuive cette année. Elle met en garde les secrétariats sociaux et comptables: « Veillez à calculer au plus juste le précompte professionnel retenu sur les revenus du dirigeant d’entreprise. »

En outre, certains secteurs professionnels bénéficient d’un abattement, d’une réduction, voire d’une dispense de précompte professionnel. C’est le cas notamment pour les entreprises qui investissent dans la recherche et l’innovation. Elles peuvent ainsi récupérer 80% du précompte professionnel retenu sur les salaires des chercheurs. Dans d’autres cas, l’employeur peut être dispensé de payer une partie du précompte professionnel, sur les heures supplémentaires prestées ou encore lors de la première ou seconde embauche.

« Tous ces incitants fiscaux qui coûtent cher à l’État sont contrôlés de manière très intensive depuis un an », indique Pierre-François Coppens. « Ils vérifient au sein des entreprises si les chercheurs ne sont pas, par exemple, des employés commerciaux ou administratifs en se rendant plusieurs jours au poste de travail des employés concernés. S’il s’avère qu’il n’est pas un chercheur, l’employeur doit rembourser le précompte professionnel dont il a été dispensé », détaille l’expert.

 

« Toute entreprise équipée d’un monnayeur électronique est susceptible d’être visée par cette action de contrôle spécifique. »

3. Recettes caisses et monnayeurs

Les commerces qui utilisent des monnayeurs automatiques pour les paiements en argent liquide (boulangeries, boucheries, friteries…) font actuellement l’objet de contrôles. « L’administration, via sa cellule de contrôle informatique E-audit, s’empare des données informatiques de ces monnayeurs pour les comparer aux recettes caisses déclarées afin de déceler les éventuelles incohérences », indique Thierry Litannie, avocat fiscaliste.

« Si tel est le cas, les conséquences financières peuvent varier selon les constatations opérées par l’administration, mais elles peuvent être extrêmement importantes: redressement du chiffre d’affaires en matière d’IPP, Isoc et accroissements aux taux minimal de 50%, redressement et amendes TVA« , précise-t-il. « Mais les données du monnayeur ne sont pas forcément toujours qualitatives et il n’existe aucune vision sur la fiabilité des données recueillies, signale l’avocat, qui a déjà décelé des incohérences. Il prévient: « Toute entreprise équipée d’un monnayeur électronique est susceptible d’être visée par cette action de contrôle spécifique. »

4. Droits d’auteur

« Le contrôle des revenus tirés des droits d’auteur continue de plus belle. L’administration a cette tendance détestable à tout rejeter, afin de décourager les contribuables à déclarer ce type de revenus », constate Thierry Litannie.

Le nombre de requalification a effectivement explosé depuis 2015. Le montant total des droits d’auteur requalifiés est passé de 1,35 million en 2015 à 33,62 millions en 2021, soit une hausse de plus de 2.000% en six ans (+2.386%), selon les chiffres du SPF Finances.

Ce régime fiscal a été réformé au 1er janvier 2023, réduisant sa portée et excluant de facto une série de secteurs (développeurs, informaticiens…).

Le problème, selon Pierre-François Coppens, c’est que « l’administration s’appuie sur cette nouvelle loi afin de requalifier les revenus du passé. Les informaticiens ont compris qu’ils ne pourraient plus profiter de ce régime fiscal et l’acceptent. Le ministre a gagné, tout le monde a plié, donc pourquoi s’acharner sur les revenus de 2021 et 2022? », s’interroge le conseil fiscal, qui rappelle que pour ces anciens revenus, c’est l’ancienne loi qui s’applique.

5. Revenus étrangers

Les actions de contrôles sur les avoirs des contribuables belges à l’étranger s’intensifient. Revenus mobiliers et immobiliers, dividendes, assurance et comptes sont scrutés de près grâce à l’échange de données entre Etats (CRS). « Le fisc remonte d’abord trois ans en arrière puis considère qu’il y a un indice de fraude et remonte ensuite quatre ans en arrière. Ces avoirs étant taxés à 30% à la déclaration et à 50% à l’accroissement, on se retrouve parfois avec des montants colossaux », déplore Pierre-François Coppens.

6. Multipropriétaires

La multiplication de locations immobilières n’est pas non plus épargnée par le fisc. « Dès que le volume est important, le fisc requalifie les revenus immobiliers en revenus professionnels, même si ce n’est pas de l’activité professionnelle du contribuable », indique Sabrina Scarnà. Les revenus sont alors taxables au taux maximal de 50%, ce qui n’est pas négligeable pour le contribuable.

L’administration fiscale requalifie en principe les revenus immobiliers sur base de trois critères: la répétition des opérations d’achat sur une courte durée, le recours au financement et la disponibilité du contribuable pour la mise en location (s’il avait une activité professionnelle ou non). Mais selon les fiscalistes, ces critères ne sont pas toujours fiables. Il arrive que des contribuables travaillants dans un tout autre secteur et qui se sont constitué un patrimoine immobilier sur 20 ans reçoivent un avis de rectification.

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